Nos vies confinées (1)
Photographie prise de la fenêtre du premier étage en direction du rond-point, à l’extrémité Sud de l’avenue Sainte-Thérèse, Caen.
Il est 7h25 ce vendredi 27 mars 2020.
A cette heure-là, d’habitude, un flux de voitures « remonte » l’avenue vers l’intérieur de la ville, rive droite. Elles passent par paquets de cinq-six arrivant de la rue que l’on voit dans le prolongement du rond-point, en arrière-plan. Des quartiers pavillonnaires récemment construits aux confins de Cormelles, Mondeville et Caen alimentent ces flux de matin (et du soir dans l’autre sens). D’autres voitures arrivent de l’avenue de Rethel, en provenance des routes de Lisieux, de Paris et du centre de Mondeville. Elles prennent souvent rapidement l’entrée de l’avenue en se déportant sur le centre de la chaussée. Une bonne partie doit rejoindre ensuite le boulevard Leroy, puis les boulevards intérieurs qui les conduiront à l’ouest de la ville.
Dans l’autre sens, à cette même heure, d’habitude, moins de monde, mais des voitures tout de même qui prennent l’avenue de Rethel vers la gauche, direction Est (Lisieux, Paris) ou l’avenue Poincaré vers la droite, direction Ouest (Falaise, Alençon, Le Mans ou Flers ou encore Rennes). Il faudrait aussi les suivre pour savoir où elles vont. Les panneaux indicateurs, dont on voit l’envers, montrent des destinations possibles. On est à un peu plus d’un kilomètre du périphérique Sud qui redistribue les flux dans les directions de Paris, Rouen et Le Havre (A13) ; Alençon-Tours (A88 et A 28) ; Flers-Laval et Rennes-Nantes (A84).
En regardant au-delà du rond-point, la route en face, on devine (si on sait déjà) la limite administrative entre Caen et Cormelles-le-Royal. C’est le changement d’environnement routier, de mobilier urbain et de formes des maisons qui la « montre », là où une voiture est en train de traverser la rue. Jusqu’à la voiture, c’est l’avenue Sainte-Thérèse, Caen, des quartiers construits dans les années 1930 et 1950. On ne voit pas les tilleuls taillés en carré, alignés le long de certaines avenues (celle de Rethel notamment), qui donnent une identité visuelle à ces quartiers. Les premiers arbres des alignements sont hors cadre, à gauche et à droite.
Après la voiture, c’est une route élargie il y a quelques années, assortie d’une piste cyclable et voie piétonnière, dont elle est séparée par une bande de pelouse plantée de jeunes érables. L’aménagement de cette route date de la construction des quartiers pavillonnaires, dont on voit quelques toits à droite. Les pavillons sont disposés le long du coteau (le Coti) qui, il y a dix ans, formait une friche entre la zone d’activités de Cormelles à un kilomètre environ et les premières maisons de Caen. On est aux confins de la ville-centre de l’agglomération, au contact avec une banlieue ouvrière que l’industrie déconcentrée de la région parisienne dans les années 1960 a étendue et développée (Citroën notamment en 1963).
A cette heure-là, d’habitude, quand le ciel est dégagé comme ce matin, dans ce secteur du ciel, les premières traînées de condensation d’avions donnent la direction des aéroports parisiens (vers la gauche sur la photo). Là, pas d’avion en provenance d’Amérique du Nord. Le hub parisien n’est plus visible.
Le rond-point est l’un des quatre qui donnent une certaine unité paysagère aux quartiers situés entre la Demi-Lune et l’ancien quartier Lyautey. Ces ronds-points sont reconnaissables aux bouleaux qui y ont été plantés. Les quartiers desservis sont cependant différents. L’avenue Sainte-Thérèse est le nom donné en 1936 à la voie n°20 des Hauts de Vaucelles. S’y élèvera une première génération de maisons en plus de l’église située à l’autre extrémité de l’avenue, en direction de la gare. Celle d’où est prise la photographie est construite après-guerre à l’emplacement d’une autre, édifiée sur cette parcelle avant-guerre. L’avenue structure un ensemble architectural assez hétérogène, chaque propriétaire ayant fait construire sa maison. A la différence de la cité-jardin située de part et d’autre du rond-point Charlotte Corday, à 200 mètres de celui-ci (à gauche de la photo). Cette cité-jardin construite à partir de 1922 est en cours de destruction dans le cadre d’un projet de renouvellement urbain, qui va la densifier et réduire l’emprise des jardins.
Voici donc les espaces du rond-point « Rethel-Sainte-Thérèse » : 1 – la partie sud du quartier Sainte-Thérèse, 2 – l’ensemble des quartiers de cette périphérie sud de Caen en densification, 3 – le secteur sud de l’agglomération congestionné par la circulation automobile en lien avec un espace périurbain lui-même densifié, 4 – l’articulation au périurbain Sud de Caen et, par les autoroutes proches, au quart Nord-Ouest français et ses prolongements vers l’Angleterre… et 5 – si on les lève les yeux, en direction de Mondeville, l’Amérique via Roissy…
On peut représenter ce rond-point comme l’intersection singulière de surfaces et de réseaux où il prend place et qui le définit (schéma n°1). On peut aussi le représenter comme un condensé de ces surfaces et de ces réseaux qu’à sa manière, unique, il contient (schéma n°2).
Les mesures de confinement lui font perdre bien de ces dimensions… Les flux quotidiens intra-agglomérations sont taris. Quelques rares semi-remorques frigorifiques qui maintiennent l’approvisionnement du supermarché voisin rappellent l’ancrage régional. Plus de hub parisien. Il reste pour les rares passants le point structurant, visuellement et pour la circulation, du quartier Sud Sainte-Thérèse.
Pour en savoir plus :
Le quartier Saint-Thérèse sur le site Cadomus Reconstruction Virtuelle de Caen avant-guerre :http://www.cadomus.org/cartographie/sainte-therese
Des repères historiques, sur le site du cinéma Lux : http://cinemalux.org/spip/Reperes-historiques
L’adresse au maire des habitants du quartier, qui dénoncent la place disproportionnée des axes routiers à destination des voitures au détriment des piétons et des vélos https://actu.fr/normandie/caen_14118/a-caen-habitants-quartier-sainte-therese-ne-veulent-pas-rester-sur-bord-la-route_16219020.html
Un aperçu des problématiques des quartiers périphériques de Caen, entre intense circulation automobile et bâti peu dense de maisons avec jardins https://www.ouest-france.fr/normandie/caen-14000/caen-entrees-de-ville-les-mini-manhattan-se-multiplient-5580188

